Hamra, Gemmayzé, Maameltein : Des cibles légitimes pour Al-Qaïda

Par Nayla El Eid - Twitter : @naylaeleid

Ces derniers mois, le Liban a été victime d’une vague d’attentats sans précédents, dans la banlieue sud de Beyrouth et dans le Hermel, fiefs du Hezbollah chiite. Ces actes de violence portent la signature d’Al-Qaïda. L’objectif de ce groupe extrémiste sunnite est clair ; faire payer au Hezbollah libanais, le prix de son implication dans les combats en Syrie, aux côtés du régime de Bachar el-Assad. Mais à terme, l’organisation terroriste pourrait frapper d’autres cibles à Beyrouth, et plus précisément les lieux de divertissement.

Missions des jihadistes : Faire un maximum de victimes

En mai 2000, des enquêteurs britanniques mettent la main sur un manuel d’entraînement destiné aux combattants d’Al-Qaïda. Ce document, connu sous le nom de Manuel de Manchester, a été découvert lors d’une fouille opérée au domicile d’un membre présumé de l’organisation terroriste, à Manchester. Ce guide, qui n’a pas été daté avec précision, explique en détail les objectifs et les techniques opérationnelles d’Al-Qaïda.

Le groupe extrémiste sunnite utilise plusieurs modes opératoires, mais privilégie en particulier les attentats-suicides à la voiture piégée. Ce procédé se déroule principalement en matinée, au moment où les civils se rendent à leur lieu de travail et où les enfants vont à l’école. Car l’objectif des terroristes est de faire un maximum de victimes. L’explosion doit aussi être évoquée par le plus grand nombre de médias dans le monde. La communication occupe d’ailleurs une place importante dans le Manuel de Manchester. Al-Qaïda appelle à répandre des rumeurs et rédiger des communiqués, afin de terroriser la population et la monter contre l’ennemi.

Trois personnes sont en charge de mettre en œuvre l’attentat-suicide à la voiture piégée. La première fabrique la bombe. Celle-ci contient des explosifs type TNT ou C4, auxquels sont ajoutés des bouts de ferraille, pour engendrer de plus grands dégâts. La seconde personne installe la matière explosive dans le véhicule et la connecte à un système électronique. Le kamikaze a quant à lui, la responsabilité de conduire la voiture vers le lieu ciblé.

La quinzième leçon du manuel précise que les explosifs sont considérés comme l’arme la plus sûre pour les jihadistes. Le kamikaze mort, ne pourra être soumis à aucun interrogatoire. De plus, l’attentat est le meilleur moyen de susciter la peur au sein de la population, mais aussi chez l’ennemi.

Le Liban se fait berner par de faux détecteurs de bombes

Pour tenter de protéger les civiles, des sociétés privées de sécurité se sont emparées des lieux publics. A l’entrée des centres commerciaux, les employés de ces sociétés brandissent consciencieusement un petit appareil noir, surmonté d’une baguette en métal. Cet engin, l’Advanced Detecting Equipment (ADE) est censé détecter des matières explosives pour éviter à la population de subir un carnage. Mais les autorités irakiennes découvrent la supercherie : A 50.000 dollars l’unité, ce joujou a en fait été conçu pour retrouver… des balles de golf perdues dans un green.

En avril 2013 et après trois ans et demi d’enquête, la police britannique met sous les verrous le concepteur de l’ADE, James McCormick, un Britannique de 57 ans. Il est condamné à dix ans de prison pour fraude. La vente de ces appareils lui a rapporté plus de 85 millions de dollars de bénéfices. Malgré la médiatisation mondiale de cette escroquerie, le Liban continue toujours de faire croire aux civils qu’ils sont protégés.

http://www.youtube.com/watch?v=L4CyJaZFOSc 

Hamra, Gemmayzé, Maameltein : Des cibles légitimes pour Al-Qaïda

Outre les espaces publics, les lieux de divertissement sont également dans le collimateur de l’organisation terroriste. Le Manuel de Manchester indique en détail, la mission essentielle du jihadiste ; Assassiner aussi bien des ennemis que des touristes étrangers, faire sauter et détruire les lieux de divertissement, d’immoralité et de péché. Le document souligne toutefois que ces endroits ne sont pas des cibles prioritaires.

Ainsi Maameltein, dans la baie de Jounieh, accueille des lieux de divertissement pour adulte. L’alcool coule à flot dans cette zone, comme à Gemmayzé. Cet endroit situé dans l’est de la capitale à majorité chrétienne, est réputé à travers le monde pour ses nuits mouvementées. Hamra est un quartier vivant aussi bien le jour que la nuit. Bureaux, boutiques, cafés, librairies, restaurants, pubs… des milliers de Libanais et de touristes s’y rencontrent pour discuter, échanger ou simplement s’y promener. Hamra est l’un des secteurs les plus hétéroclites du Liban. Mais sa particularité le rend plus vulnérable que Gemmayzé et Maameltein. Car ce quartier se trouve dans l’ouest de Beyrouth, à majorité musulmane. Pour les extrémistes, les musulmans qui vivent à leurs yeux dans le péché, sont des cibles bien plus légitimes que les personnes d’une autre confession. 

Les Libanais mis à leur insu, à contribution d’Al-Qaïda

Compte tenu de la multiplication des attentats au Liban, les autorités libanaises ainsi que les sociétés privées de sécurité sont dans l’incapacité certaine d’empêcher l’avènement d’explosions commanditées par Al-Qaïda. D’autant plus qu’un kamikaze a l’entière liberté de se faire exploser à n’importe quel moment, s’il a le pressentiment d’avoir été repéré au cours de sa mission suicide.

Pire encore, depuis quelques temps, l’organisation terroriste n’hésite pas à mettre la population libanaise à contribution. Certaines déflagrations sont provoquées à distance avec un téléphone portable. Ce procédé est précisément utilisé dans les parkings publics. Le terroriste gare la voiture bourrée d’explosifs, de manière à barrer la route à d’autres voitures. Il laisse ensuite un numéro de téléphone sur le pare-brise. Dès qu’un usager appelle pour débloquer son véhicule, la bombe se déclenche.

Les Libanais se précipitent spontanément pour secourir les blessés. Mais là encore, Al-Qaïda profite de cette situation pour enclencher un second engin piégé, environ dix minutes après la première explosion. C’est d’ailleurs ce que l’on a pu constater lors du double attentat-suicide qui a visé l’ambassade d’Iran à Beyrouth, en novembre 2013.

Les Forces de sécurité intérieure publient régulièrement des communiqués, appelant la population à coopérer avec le corps sécuritaire. Tout vol de véhicule et présence de voitures suspectes doivent être signalés aux autorités concernées. Et si un véhicule bloque le passage d’autres véhicules, il est également conseillé de les alerter.