Survivre au prix de l’humiliation
Par Nayla El Eid-Twitter : @naylaeleid
Après avoir bravé la guerre et les dangers, un grand nombre de syriens ont trouvé refuge au Liban. Certaines familles se retrouvent au cœur de l’hiver, sans ressources. Des hommes sans scrupule profitent de cette situation, pour demander en mariage, de jeunes syriennes. Mais derrière cette proposition se cache bien souvent, des intentions indécentes.
Oum Mahmoud, que nous appellerons ainsi pour préserver son anonymat, et sa famille, ont trouvé refuge dans un appartement dans le Akkar au Liban-Nord. Pour survivre dans ces conditions de vie précaire, sa fille Dalia travaille comme serveuse dans un restaurant. Mais la benjamine fait face, au quotidien, à des hommes peu scrupuleux. « La première fois, le propriétaire du restaurant, posait en permanence ses mains sur moi. Il arrivait par derrière pour me faire peur. Il me disait "mais c’est pour rire"», dit-elle. Et d'ajouter : «C’est un homme âgé et je ne lui disais rien … Mais au bout de la énième fois, il m’a demandé pourquoi tu es aussi sérieuse ? Je ne travaille pas ici pour rire ». « Ici, ils pensent qu’une Syrienne est une fille facile, qu’on peut en tirer profit, qu’elle est légère », souligne Dalia.
Oum Mahmoud nous raconte à son tour, que plusieurs hommes ont demandé la main de sa seconde fille, âgée de trente ans : « Ils viennent et nous disent "on va changer votre vie. Notre situation financière est très bonne et si vous acceptez notre proposition, nous vous apporterons des chaises" ».
Abou Mohammad dénonce ces demandes en mariage, faites en échange d’une aide. Pour l’activiste syrien, membre d’une association d’aide aux réfugiés, cela cache bien souvent des pratiques indécentes. « Ces hommes maltraitent les femmes. Ils profitent de leur vulnérabilité pour satisfaire leur désir personnel. En échange de leur aide, ils demandent des contreparties », s'indigne-t-il. A ses yeux, « cette manière de se marier est inadmissible. Ces pratiques sont semblables à un acte de vente et d’achat. Cela permet à l’homme d’assouvir ses besoins, et de laisser tomber la fille après ».
Pression familiale, milieu conservateur, les victimes syriennes ont peur de parler. Elles craignent des représailles pouvant parfois être mortelles. Jusqu’ici, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, n’a recensé que quelques cas, comme nous explique Anna Leer, chargée de Protection au HCR : « A l’heure actuelle, nous ne pouvons pas confirmer s’il s’agit d’un phénomène de grande ampleur au sein de ces communautés ou s’il s’agit de cas isolés. On nous a signalés une poignée de cas de jeunes filles forcées par leur famille au mariage».
Selon le HCR, 80% des réfugiés syriens au Liban, sont des enfants et des femmes. Toutes ont fui précipitamment leur pays, laissant derrière elles maison et effets personnels. Mais au-delà des difficultés matérielles, pour certaines victimes, il y a la souffrance morale et l’humiliation.