TSL : Une création anticonstitutionnelle, mais un Tribunal légal
Par Nayla El-Eid – Twitter : @naylaeleid
Demain, mercredi 13 juin, le Tribunal spécial pour le Liban devra répondre à la requête déposée par les Conseils de la défense, contestant la légalité de l’instance internationale. Selon les avocats de Salim Ayyash, Mustafa Badreddine, Hussein Oneissi et Assad Sabra, le TSL a été créé en violation de la Constitution libanaise. Ils ont ainsi demandé à ce que sa création soit déclarée illégale. Mais qu’en est-il réellement ? Voici quelques éléments de réponses.
Le TSL a-t-il été créé en violation « flagrante » de la Constitution libanaise ? OUI
« La Chambre de première instance a fixé la date d'une audience au 13 juin, aux fins d'entendre les arguments des parties quant à la compétence du Tribunal spécial pour le Liban et à la légalité de sa création ». C’est ce que précise un communiqué publié le 21 mai dernier par le Tribunal spécial pour le Liban. Cette audience a en effet, été fixée suite aux exceptions préjudicielles contestant la légalité et la compétence du Tribunal, déposées le 10 mai, par les conseils de la défense représentant les quatre accusés Salim Ayyash, Mustafa Badreddine, Hussein Oneissi et Assad Sabra.
Pour les avocats des quatre accusés, l’instance internationale doit être déclarée illégale. « Le TSL a été créé en violation flagrante de la Constitution libanaise et de son égalité souveraine en droit international. […] Sa création a été obtenue frauduleusement et sous de faux prétextes au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités », précisent les avocats.
Dans les faits, un accord a été paraphé entre l’organisation des Nations unies et la République libanaise, pour la création de l’instance internationale, et ce, suite à une demande du gouvernement libanais en ce sens. Or, ni le président de la République, ni le Parlement n’ont ratifié ou signé ce document comme l’exige la Constitution libanaise. Par conséquent, la création du TSL est anticonstitutionnelle.
Le TSL est-il illégal ? NON
La Constitution libanaise stipule que « le Liban est membre fondateur et actif de la Ligue des Etats Arabes et engagé par ses pactes; de même qu'il est membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations-Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. L'Etat concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception ».
Par conséquent, le pays du Cèdre est tenu d’appliquer la Charte des Nations unies, en particulier le Chapitre VII. L’article 41 stipule d’ailleurs que « le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures ». Le Tribunal spécial pour le Liban est donc légal. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en octobre 2011, le Premier ministre Najib Mikati a affirmé depuis New York, que le Liban respectera tous ses engagements envers l’ONU. Et quelques semaines plus tard, le pays du Cèdre a payé sa part, dans le cadre du financement du Tribunal.
La paix était-elle menacée au moment des faits ? OUI
Les conseils de la défense estiment que la paix n’était pas menacée lorsque l’ancien Premier ministre Rafic Hariri a été assassiné : « L'assassinat de l'ancien Premier ministre Hariri perpétré le 14 février 2005, […] ne pouvait en aucune façon être considéré comme une menace à la paix et à la sécurité internationales. Cet événement ne constituait pas un conflit armé et il n'a eu aucune répercussion transfrontalière ».
Or, au moment des faits, la communauté sunnite avait crié vengeance. Le Liban aurait pu plonger dans une guerre civile sans précédent et ce, malgré le rassemblement du 14 mars 2005. Aujourd’hui encore, nous pouvons constater la fragilité de la paix interlibanaise. Il a suffit d’une simple arrestation à Tripoli, pour que la grande ville du Nord soit victime d’affrontements meurtriers. Les heurts entre sunnites et chiites ont, en peu de temps, gagné Tariq el-Jdideh.
Pour les avocats, « le Conseil de sécurité a invoqué une menace présumée contre la paix et la sécurité, établissant ainsi une démarche formelle uniquement dans le but d'être en mesure d'exercer ses pouvoirs en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, alors qu'une telle menace était inexistante. […] Il s'agit d'un abus des pouvoirs du Conseil de sécurité en vertu de la Charte des Nations Unies ».
Le Chapitre VII de la Charte des Nations unies est intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». Selon l’article 39, « le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».
Le TSL a-t-il compétence ? OUI
La compétence peut être territoriale (recouvrant une zone géographique), personnelle (visant une catégorie d'individus) ou matérielle (selon la nature de l'affaire). Le TSL a compétence à l'égard des personnes responsables de l'attentat du 14 février 2005 qui a causé la mort de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, et tué et blessé d'autres personnes.
Le Tribunal peut également étendre sa compétence à l'égard des personnes responsables d'autres attentats terroristes survenus au Liban entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005, ou à toute autre date ultérieure décidée par les autorités libanaises et les Nations Unies avec l'assentiment du Conseil de sécurité de l'ONU, si le Tribunal estime que, conformément aux principes de justice pénale, ces attentats ont un lien de connexité avec l'attentat du 14 février 2005.