Tripoli 2012 : La revanche sur le 7 mai 2008

Publié le par newsleb-mania

Par Nayla El Eid – Twitter : @naylaeleid

 

Mai 2008, Beyrouth, la montagne et surtout Tripoli, ont été victimes d’affrontements meurtriers, entre les partisans de l’Alliance du 14 Mars, et ceux du 8 Mars. L’issue de la crise a été maintes et maintes fois commentée, contestée puis condamnée. Les sunnites, on le sait, n’ont pas pu bénéficier des capacités suffisantes pour faire face au Hezbollah, parti réputé pour sa stratégie militaire inébranlable. Mai 2012, la donne a changé dans la grande ville du Nord. En moins d’une semaine, les violences sanglantes ont fait plusieurs morts. Les politiciens ne manquent pas d’accuser leurs adversaires dans ces troubles. Toutefois, au fil des jours, les indices s’accumulent sur ce qui a pu déclencher le conflit et le constat est clair ; trop de charges pèsent sur le Courant du Futur.


En mai 2008, les partisans du Hezbollah sont parvenus à prendre le contrôle des zones mixtes de Beyrouth et de Tripoli. Au sein-même de la population partisane du Courant du Futur, qui voue une fidélité aveugle au président martyr Rafic Hariri, des voix se sont élevées contre l’héritier Saad Hariri. Ils l’accusent de ne pas leur avoir fourni le matériel nécessaire, en vue de se défendre, ou de combattre pour certains. A ce moment, Saad Hariri comprend que sa popularité a pris un coup. Même si l’issue des scrutins de 2009 l’a donné gagnant, il n’en reste pas moins que l’ultime objectif reste pour lui, de regagner la confiance de ses fidèles.


Une stratégie de père en fils


C’est en 2011, qu’un élément va permettre à M. Hariri de se racheter ; la nomination de Najib Mikati à la tête du gouvernement. Pour le moment, cela peut paraître contradictoire. Mais il suffit de se replonger en 1998, pour mieux comprendre.


Saad_Hariri_en_contrefond_une_image_de_Rafic_Hariri_AFP.jpgIl y a 14 ans, Rafic Hariri, alors Premier ministre, quitte ses fonctions pour laisser place à Salim el-Hoss. Le politologue Walid Charara explique dans un article intitulé Transition sereine, publié dans Le Monde Diplomatique en mai 1999, que « son bilan social, économique et politique, après six ans de gouvernement, conjugué à une modification de la conjoncture régionale ont provoqué son départ ». La même année, le journaliste Nadim el-Hachem affirme quant à lui, dans un article paru dans La Revue du Liban que « les milieux […] sont d’autant surpris, que M. (Rafic) Hariri n’assume plus aucune charge officielle au Liban. Au contraire, il met des bâtons dans les roues du char gouvernemental et du régime, tout en prétendant vouloir soutenir le président Lahoud... De plus, il ne cesse de soutenir que le Cabinet Hoss a échoué au plan de la réforme administrative, faisant endosser la responsabilité de cet échec au président Nabih Berri ». Quelques mois plus tard, en 2000, Rafic Hariri revient à la tête du Cabinet, plus glorieux que jamais.


Le comportement du Premier ministre assassiné, à cette époque, présente des similitudes avec celui de son fils aujourd’hui. Depuis 2011, Saad Hariri n’a pas remis les pieds à Beyrouth. Néanmoins, et malgré la distance qui le sépare du pays du Cèdre, il reste actif sur la scène politique libanaise, tout comme son père l’avait été de 1998 à 2000. En d’autres termes, Saad Hariri n’est pas totalement innocent dans l’affaire de Tripoli.


Des charges qui pèsent sur le Courant du Futur


L’équation régionale Etats-Unis et Arabie Saoudite contre Iran et Syrie, n’a jamais été aussi concrète qu’à l’heure actuelle. Washington a maintes fois déclaré sa volonté de voir le président Bachar el-Assad lâcher son emprise sur la Syrie. A l’inverse, Téhéran n’a cessé de soutenir le régime syrien, depuis le début de la révolte. Comme toujours, la confrontation se déroule sur le territoire libanais.


La majorité au pouvoir, régit par la République islamique, est au chevet du régime syrien. L’Alliance du 14 Mars, qui désire quel qu’en soit le prix à payer (ou à faire payer), remporter les élections législatives de 2013, répond aux demandes de la Maison Blanche et obéit par conséquent, aux ordres de Riyad.


La seconde charge pesant sur le Courant du Futur, est la déclaration du 11 mai dernier, de Ibrahim Kanaan. « Si M. Sleimane ne signe pas le décret relatif à l’adoption extrabudgétaire de 2011, certains politiciens tomberont », a-t-il indiqué à la chaîne télévisée NBN. Il est vrai que ses dires concernent le budget, mais ils interviennent au moment où les violences font rage à Tripoli. D’ailleurs, peu de temps après la menace brandit par le député aouniste, le chef de l’Etat s’est dit prêt à parapher le texte. L’Alliance du 14 Mars n’avait donc pas intérêt à ce que certains dossiers soient révélés au grand jour.


Autre déclaration, celle du commandant en chef de l’armée libanaise. Dans une entrevue accordée vendredi dernier au quotidien As-Safir, le général Jean Kahwagi précise que « plus de la moitié des combattants armés à Tripoli sont sous l’influence des responsables politiques ». « Il est donc de leur devoir de modérer leurs discours et d’ordonner le retrait des groupes armés », concède-t-il.


lutfallah-ii.jpgEt puis il y a cet étrange navire, en provenance de la Libye et intercepté par l’armée libanaise. Le Lutfallah II, transportant des armes, a quitté son port et traversé les eaux territoriales israéliennes et ce, sans aucun problème. Le navire a ensuite achevé son chemin au Liban, alors qu’il devait supposément se rendre en Syrie. Quelques jours plus tard, les affrontements éclatent à Tripoli et une fois n’est pas coutume, aucun détail n’a filtré sur la provenance des armes utilisées par les combattants.


Enfin, les membres de l’opposition libanaise ont critiqué de manière virulente l’arrestation de Chadi el-Mawlaoui (rendue possible grâce aux services de renseignements américains). Mais ce dernier, suspecté d’être en contact avec une organisation terroriste et présenté comme un danger pour la nation, pouvait-il être autrement intercepté par la Sûreté générale ?


Mai 2008, mai 2012 ; le timing sonne comme une revanche. A qui profite le crime de Tripoli ? A l’Alliance du 14 Mars qui remportera les législatives de 2013 et à Saad Hariri qui reprendra les rênes du pouvoir, plus glorieux que jamais.

Publié dans Politique libanaise

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K
Je n'ai pas compris, comment Mr Saad Hariri est coupable dans l'affaire du Tripoli? Pas de faits, seulement une discussion avec des commentaires journalistes sans aucun résultat.<br /> <br /> Qu’est ce vous dites des commentaires du Refait Eid, à propos de l'interférence de l'armée syrienne et de sa loyauté pour la Syrie, l'Iran et Nasrallah.<br /> <br /> La Syrie a bien joue master d'alimenter directement ou indirectement les problèmes et la "street war" a Tripoli pour prendre la main finalement du gouvernement Libanais, et c'est toujours la<br /> stupidité libanaise qui gagne. En Mai 2008, c'était la supremacy du Hizbullah qui a mis la main sur Liban. Mais apparemment ce n’était pas sans sacrifices et résultats surtout en Mai 2012<br /> (Islamisme et conflit shiio-sunnite non-déclaré)<br /> <br /> Mai 2008: Le hizbullah en a parfaitement profiter<br /> Mai 2012: Le régime Syrien en profitera parfaitement si nous, les libanais, ne comprenons que le territoire libanais doit être intact dans ce moment historique.
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